Stéphane Lhuillier, Hiccopampe - Coaching for Family - Paris 5

View Original

Comment Devenir un Parent "Utilement Inutile" et Favoriser l'Autonomie et le Développement de Vos Enfants

En tant que coach parental et familial, ainsi que sophrologue, j'accompagne de nombreux parents épuisés et submergés par le quotidien. Souvent, ils se sentent perdus, sans repères, et cherchent désespérément à retrouver l'harmonie à la maison et dans leur vie personnelle. Une question récurrente se pose alors : "Un parent doit-il se rendre inutile pour favoriser l'autonomie de ses enfants ?"

Inspirée par un article intitulé "Le rôle d’un manager est-il de se rendre inutile ?", cette réflexion m'a amenée à envisager la parentalité sous un nouvel angle. Le rôle de parent, similaire à celui d'un manager, consiste à guider et à soutenir sans imposer, permettant ainsi aux enfants de devenir des adultes responsables et autonomes. Comment alors équilibrer présence et retrait pour préparer nos enfants à affronter les défis de la vie quotidienne ?

Car finalement avec toutes nos casquettes, celle de parent n’est-elle pas un job à temps complet avec ses savoir-être et ses savoir-faire spécifiques ? Et un des objectifs de ce job de parents n’est-il pas de faire de nos enfants des adultes responsables et autonomes et de leur donner toutes les cartes pour qu’ils puissent s’épanouir dans leur vie aujourd’hui et demain ?

Dans cet article, nous allons explorer comment éviter les erreurs courantes des parents surprotecteurs ou hyper impliqués, et comment adopter une approche de "parent-leader" pour encourager l'autonomie et la confiance en soi chez les enfants.

Un parallèle entre le management et la parentalité

Oui j’aime bien faire des parallèles entre le monde de l’entreprise et celui de la maison, je suis convaincue qu’il y a pas mal de similitudes et pas mal de choses à apprendre de chacune de ces sphères. À l'instar d'un manager en entreprise, un parent joue un rôle crucial dans l'éducation et le développement de ses enfants. J’entends d’ailleurs souvent le terme de “parent-leader” et je trouve que cela fait sens. Cela dit attention : un leader n’est pas quelqu’un qui impose les choses aux autres, c’est quelqu’un qu’on admire, que l’on a envie de suivre et qui nous tire vers le haut sans jamais écraser les autres, il nous aide à donner le meilleur de nous et à révéler le meilleur de nous-mêmes.

Suite à la lecture de cet article (que je trouve intéressant) je me suis demandé : “Mais à quel point un parent doit-il être présent ou se mettre en retrait pour favoriser l'autonomie de ses enfants ?”. L'article sur le management évoque l'idée de "se rendre inutile" non pas au sens littéral, mais pour permettre à son équipe de fonctionner de manière autonome. Et surtout se rendre inutile mais tout en gardant un oeil sur ce qu’il se passe et en étant là si jamais l’équipe rencontrait des écueils. Appliqué à la parentalité, ce concept suggère que les parents doivent progressivement donner à leurs enfants les outils nécessaires pour prendre des décisions et gérer les défis de la vie quotidienne par eux-mêmes.

Les erreurs courantes des parents qui veulent être utiles à tout prix

Beaucoup de parents, animés par le désir d'être toujours utiles, commettent des erreurs qui, à long terme, peuvent être préjudiciables à eux-mêmes et à leurs enfants. Il n’y a aucun jugement de ma part, d’autant que j’ai fait certaines de ces erreurs. Le tout est d’en prendre conscience et de s’interroger sur la fréquence de ces erreurs, d’en connaître les impacts et les conséquences à court, moyen et long terme. Et enfin de savoir quel parent vous voulez être, comment vous voyez votre rôle de parent et quels sont vos objectifs pour ce job, vous pouvez en avoir plusieurs et à différentes échéances. Mais une vraie question dans la parentalité est comment vous envisagez votre rôle de parent et qu’aimeriez-vous transmettre à votre enfant comme valeurs, principes de vie, compétences …

Listons les erreurs les plus courantes

Faire à la place de l'enfant

Bien sûr, tout est à mettre en regard de l’âge de l’enfant et de son développement. Mais lorsque les parents accomplissent systématiquement les tâches que leurs enfants pourraient faire eux-mêmes, ils privent ces derniers de l'opportunité d'apprendre et de gagner en autonomie. Quand vous avez un collaborateur, vous commencez par le former, lui donner le process et lui dire quoi faire et une fois qu’il a appris, vous lui donner de plus en plus de latitude pour qu’il fasse seul sans supervision pour que cela devienne une habitude. C’est la même chose avec votre enfant, et contrairement à ce qu’on pense faire à la place de son enfant ce n’est pas l’aider mais surtout ce n’est pas plus facile pour vous à terme (c’est plus facile et plus rapide à court terme mais à long terme cela risque de vous desservir).

🧐 Une maman qui prépare toujours le sac d'école de son enfant, vérifie ses devoirs et s'assure que tout est en ordre, même lorsque son enfant est suffisamment âgé pour le faire seul. À long terme, l'enfant peut avoir du mal à organiser ses affaires et à être responsable de ses propres devoirs.

📬 Ce que l’enfant peut entendre comme message : "Je ne crois pas que tu sois capable de le faire correctement toi-même."

Faire à la place de votre enfant vous en rajoute une couche en termes de charge mentale alors que franchement elle est déjà bien lourde. N’avez-vous pas envie de l’alléger ? Quand vous faites quelque chose, posez-vous la question de savoir s’il pourrait le faire tout seul (même avec de l’aide) ou comment il pourrait le faire tout seul. Peut-être que cela peut vous aider à faire moins à la place de votre enfant.

Surprotection

En voulant protéger leurs enfants de toutes les difficultés, les parents peuvent involontairement limiter leur capacité à faire face aux échecs et aux défis. D’ailleurs en parentalité on parle de parents hélicoptères (Un parent qui surveille constamment son enfant et intervient de manière excessive dans sa vie quotidienne pour éviter tout problème ou échec) et de parents drônes (Un parent qui surveille à distance, utilisant des moyens indirects pour contrôler ou suivre les activités de son enfant sans intervenir directement).

Bien sûr en tant que parent, on n’a pas envie qu’il arrive quoi que ce soit de mauvais à nôtre enfant. En tant que parent, notre rôle est de protéger notre enfant, mais le protéger n’est pas le mettre sous cloche ou lui interdire de tout faire. C’est le guider, prévenir les dangers mais lui laisser faire aussi ses expériences pour qu’il connaisse ses limites, apprenne à faire des choix éclairés et assumer les conséquences de ces choix. La vie n’est pas que du bon et du beau, la vie ce sont aussi des erreurs, des échecs, des douleurs. En surprotégeant nos enfants il y a un risque qu’ils ne sachent pas comment faire quand il rencontre un problème ou échoue, cela ne les aide pas à développer leurs ressources pour surmonter les difficultés et leur résilience. Parfois, c’est dur de voir notre enfant se prendre un mur qu’on avait vu avant lui, mais c’est aussi comme cela qu’il pourra apprendre. Il faut savoir trouver un juste milieu entre la surprotection et le laisser-faire total, et oui cela nous demandera un peu de volonté et nous risquons d’avoir peur mais

🧐 Un père qui empêche son adolescent de participer à des sorties scolaires ou des activités sportives par peur des accidents ou des mauvaises influences. L'enfant risque de manquer des expériences sociales et des opportunités d'apprentissage importantes, ce qui peut limiter son développement personnel et social.

📬 Ce que l’enfant peut entendre comme message : "Le monde est dangereux et tu n'es pas capable de te protéger tout seul."

Posez vous la question suivante “Est-ce que je protège mon enfant de toutes les difficultés ou est-ce que je le prépare à y faire face ?” ou “Est-ce que je m'inquiète excessivement pour des situations qui sont peu probables ou gérables ?”. D’autant que quand Junior deviendra ado il risque de trouver pesant cette surprotection et cherchera à s’en débarrasser.

Interférence constante

Une présence excessive et une surveillance constante peuvent étouffer la créativité et l'initiative de l'enfant. A force d’interférer et de lui dire quoi et comment le faire, l’enfant risque de se reposer toujours sur quelqu’un d’autre pour la moindre décision. Imaginez que Duboss vous dise toujours quoi faire, quand le faire, comment le faire et avec qui le faire … bref qu’il soit toujours derrière vous voire sur votre dos. Je ne suis pas sûre que vous appréciiez. Je pense même qu’à la machine à café vous vous plaindriez de Duboss à vos collègues et trouveriez cela infantilisant ou paternaliste au choix. Et bien c’est pareil avec votre enfant. Là encore ce n’est pas tout blanc ou tout noir, c’est du ça dépend, parfois il faut que vous le fassiez et (interférer) mais d’autres fois non - c’est le fait que cela soit fait constamment qui pose problème pas le fait de le faire. Certaines fois ce sera justifié d’autres fois cela peut être contre-productif (sans compter que cela peut être épuisant pour vous - charge mentale quand tu nous tiens !).

🧐 Des parents qui interviennent systématiquement dans les disputes entre frères et sœurs au lieu de leur permettre de résoudre leurs conflits. Eh oui vous savez les fameuses disputes entre frères et soeurs qui nous font devenir chèvre. L’intervention systématique des parents comme arbitre ne leur permet pas d’apprendre comment faire tout seul, ils apprennent à avoir un arbitre ou un médiateur. D’autant que comme on ne sait pas toujours le déclencheur, on n’a pas forcément tout le tableau sous les yeux et qu’on risque de prendre une décision pas toujours très juste, mais ça c’est un eautre sujet.

📬 Ce que l’enfant peut entendre comme message : "Tu n'es pas capable de gérer tes propres relations et problèmes sans mon aide."

Donnez à votre enfant l'opportunité de prendre des décisions et de résoudre des problèmes sans votre intervention constante.

Demandez-vous : “Ma présence est-elle nécessaire dans cette situation ou puis-je lui faire confiance pour gérer seul ?”. Personnellement, quand ça arrive à la maison, j’écoute de loin, je laisse mes antennes activées et quand je sens quand ça risque de virer j’interviens, mais avant j’essaie de les laisser trouver une solution seuls. Et oui je sais tout le monde ne partagera pas mon avis sur la question (parfois je me prends des remarques : “mais tu vas intervenir quand ?” ou “vous allez faire quelque chose là ?”), mais c’est la mienne et celle avec laquelle je suis à l’aise, donc je n’écoute pas trop les remarques jugeantes (et non ça ne vient pas tout seul, je l’ai appris).

Manque de confiance

Ne pas faire confiance à ses enfants pour prendre des décisions peut miner leur estime de soi et leur capacité à gérer les responsabilités. Et cela ne les aide pas à faire des choix, ce qui peut devenir problématique. Je ne dis pas qu’il faut les laisser prendre les décisions seuls tout le temps, là encore je vais nuancer : cela dépend de leur âge, de leur maturité, de leur personnalité et de la décision à prendre. Il n’est pas question de prendre une décision pour quelque chose de structurant seul mais pas non plus de leur enlever le plaisir de choisir. Si cela les concerne, il est important de les impliquer à la hauteur de leur âge et du choix à faire. Vous ne pouvez pas vous plaindre qu’ils ne savent pas prendre de décision si vous avez toujours pris la moindre décision à leur place.

🧐 Une mère qui ne laisse jamais son enfant choisir ses vêtements ou décider de ce qu'il veut manger pour le petit-déjeuner, croyant qu'il fera forcément de mauvais choix. Petit vous leur proposerez un “faux choix” le pull rouge ou le pull bleu, un choix restreint mais qui prendra en compte d’autre paramètre. Mais vous le laisserez aussi faire leurs choix et apprendre de leurs choix moins bon.

Parfois, mes enfants veulent partir sans manteau … ils ne sont pas frileux mais bon je trouve qu’il ne fait pas assez chaud pour sortir sans rien. J’ai transigé en acceptant qu’ils sortent sans manteau en revanche si je les accompagne je les préviens que je prends un manteau ou un pull au cas où (et sinon ils le mettent dans leur sac) car je ne suis pas à l’aise avec leur décision et que ça me rassure. Régulièrement après un petit moment dehors, ils admettent qu’il ne fait pas si chaud que ça et me demandent leur manteau ou leur pull. Mais là encore, c’est la solution que j’ai trouvée pour mes enfants et moi, et elle n’est pas venue tout de suite. En revanche depuis que je l’ai trouvée et l’applique, je suis plus sereine et il y a moins de conflits à ce sujet qu’avant car je fais confiance à mes enfants et les écoute (mais je m’écoute aussi ainsi que mes peurs de maman)

📬 Ce que l’enfant peut entendre comme message : "Tes choix ne sont pas fiables et tu as besoin de moi pour prendre des décisions."

Faire des choix est un apprentissage, prendre les “bonnes” décisions implique de pouvoir se tromper de temps en temps. Apprenons à leur faire confiance et à les guider, plutôt que de leur imposer nos choix ou nos idées.

Une question aidante est : “Est-ce que je valorise les efforts et les compétences de mon enfant, même s'il fait des erreurs ?”

Les conséquences pour les parents et les enfants

Les parents qui cherchent à être constamment utiles peuvent ressentir une immense pression et une fatigue chronique. Cette attitude peut également conduire à un sentiment de vide et d'inutilité lorsque les enfants grandissent et deviennent indépendants. Alors qu’il y a plein de manière d’être utile pour un parent. Les écouter et les aider à grandir c’est aussi leur être utile, mais ça se voit moins. Pour les enfants, cela peut se traduire par un manque de confiance en eux-mêmes et une dépendance excessive aux autres pour prendre des décisions.

Pourquoi ne pas penser notre rôle de parent dans notre famille comme celui d’un leader dans une entreprise, pour devenir un “parent-leader” ? La solution est d’être un parent utilement inutile.

Comment être un parent "utilement inutile"

L'objectif n'est pas de devenir “inutile”, mais plutôt de rendre ses enfants capables de fonctionner sans dépendre entièrement de nous, leurs parents. Voici quelques conseils pour y parvenir :

Encourager l'autonomie

Dès le plus jeune âge, incitez vos enfants à prendre des décisions et à résoudre des problèmes par eux-mêmes. Progressivement, pas-à-pas et avec votre soutien. Je vais faire une analogie : Pour apprendre à nager à notre enfant, on lui apprend à ne pas avoir peur de l’eau, on lui met des ceintures de flottaisons, on lui fait prendre des cours où il apprend les mouvements, à flotter et peu à peu à son rythme on lui enlève les différents éléments de flottaison et il nage sans rien. On commence par une nage et après on apprend les autres. Bref on y va par palier, on ne jette pas notre enfant dans une piscine pour lui apprendre à nager. C’est la même chose pour l’autonomie, on y va progressivement et on prend la personnalité, les capacités et les demandes de notre enfant en considération pour nous adapter et adapter nos exigences à tout cela. Vous aurez beau avoir plusieurs enfants, vous n’utiliserez pas la même approche et les mêmes outils (il n’y a pas de recette toute faite en parentalité, même si certains ingrédients sont nécessaires) pour cela. Votre objectif aura beau être le même, le chemin sera différent (et puis vous aurez vous aussi tiré des leçons de ce que vous avez tenté avec Numéro1).

Offrir un soutien sans être envahissant

Soyez présents pour guider et soutenir, mais laissez vos enfants faire leurs propres expériences et apprendre de leurs erreurs. Pas toujours évident, mais là aussi nous apprenons en tant que parent, et vos enfants n’auront pas tous les mêmes demandes, ni besoins. Pour cela il faut que nous nous connaissions bien et apprendre à connaître nos enfants.

J’ai 3 enfants, et les 3 ont des besoins et des demandes différentes. M’adapter n’a pas toujours été facile, et parfois cela me demande de me remettre en question. Mais leur demander “ok là de quoi tu as envie ou de quoi tu as besoin ?” est très aidant. Et quand ils me répondent “j’ai besoin d’être seul.e” … même si mon égo a mal et que moi j’aurai besoin de les prendre dans mes bras, je ronge mon frein et respecte leur demande …

Favoriser la responsabilité

Donnez-leur des responsabilités adaptées à leur âge pour renforcer leur sens de l'indépendance et leur confiance en eux.

Écouter et communiquer

Maintenez une communication ouverte et honnête avec vos enfants. Écoutez leurs préoccupations et guidez-les sans imposer votre propre vision. Et ça c’est un des plus beaux cadeaux que vous pouvez faire à votre enfant. C’est là-dessus que se bâtissent le respect et la connection. Ce sont deux piliers souvent sous-estimés mais qui font une vraie différence. En plus en les écoutant et en communiquant, vous leur montrez l’exemple et plus tard ils auront en faire bon usage car ils en connaîtront la valeur.


En tant que parents, notre mission n'est pas de tout faire pour nos enfants, mais de les préparer à affronter le monde avec confiance et autonomie. Adopter une approche qui vise à "se rendre utilement inutile" permet de créer un environnement familial harmonieux où chacun trouve sa place. En redonnant du sens à notre rôle de parent, nous pouvons retrouver la joie et l'harmonie dans notre vie familiale et personnelle.