"Mes parents ne m’aiment plus à cause de mes notes"

Cette phrase je l’ai entendue encore récemment dans la bouche d’un ado que je coache. Elle revient régulièrement et à chaque fois elle me fait mal. Je trouve qu’elle symbolise la relation parent-enfant alors que cela ne devrait pas être comme ça.

Je comprends l’ado qui toute la journée n’entend parler que devoirs, notes, avenir et avec qui la scolarité devient vite un sujet conflictuel. Je comprends les parents qui expriment leurs peurs sur ce sujet. Parfois, il manque un maillon qui permet aux deux parties de mieux se comprendre, ou à défaut de mieux se parler et s’écouter.

Cette phrase, quand on est parent, peut nous rester en travers de la gorge (bon OK elle n’est pas la seule, on pourrait s’en faire un livre mais je pense qu’elle occipe une bonne place sur le podium des phrases qui nous touchent). Peut-être l’avez-vous entendue de vos enfants ou de leurs copains ou d’un autre ado :« Mes parents ne m’aiment plus à cause de mes notes. »

A chaque fois que je l’entends, ça me chagrine mais ça me donne aussi des frissons. Il est aussi vrai que dans mon cabinet je reçois les ados qui ont des “problèmes” (je mets des guillemets parce que parfois ils n’ont pas vraiment de problèmes, ce sont juste des ados qui apprennent à se connaître et qui ont besoin d’une oreille pour mieux se connaître, se comprendre et aborder leurs défis d’une autre manière), ma vision est donc très certainement biaisée en tous cas partiellement.

Cette petite phrase dite par un ado, c’est comme une sentence brutale, que l’on ne voit pas forcément venir et surtout c’est le ressenti de l’ado qui l’a dit, et ouch ça fait mal !

Et vous, de votre côté vous êtes sur tous les fronts, dont celui de la scolarité.

Vous êtes là à jongler entre boulot, courses, devoirs, et quand vous tentez d’encourager votre ado à mieux faire (et notre encouragement peut prendre différentes formes, notamment des remarques sur les notes), vous vous retrouvez accusé.e d’être un parent insensible.

Ce sentiment d’injustice est compréhensible, mais ce qu’il traduit est plus complexe qu’une simple crise d’adolescence.

Dans cet article, nous allons explorer pourquoi les adolescents en viennent à penser cela, ce qui se cache derrière leurs mots, et surtout, comment vous pouvez rétablir un dialogue apaisé et constructif. Car oui, même si cela vous semble aujourd’hui être un mur infranchissable, il existe des solutions pour renouer le lien.

Pourquoi les ados pensent que leurs notes définissent votre amour

Il faut dire que l’école, les devoirs, les notes semblent cristaliser pas mal de nos discussions avec nos enfants, voire les disputes et conflits.

Si vous réfléchissez d’ailleurs, quand un adulte interroge un enfant / ado cela se résume en quelques questions : “tu es en quelle classe ?”, “ça se passe bien à l’école ?”, “tu travailles bien en classe ? tu as des bonnes notes ? c’est important d’avoir des bonnes notes”, “tu as bien fait tes devoirs ?”, “tu as des interros cette semaine ?” … je suis toujours fascinée de voir les questions que les adultes posent à mes enfants, comme si ils se résumaient à leurs notes ou à leur scolarité (et je l’avoue cela m’agace …). Bien sûr c’est un sujet important et facile, mais il y en a plein d’autres si on prend la peine d’y réfléchir 5 minutes.

Nos enfants ne se résument pas à leur scolarité (ni à leurs potentielles difficultés d’ailleurs) et notre rôle de parent n’est pas uniquement de faire en sorte qu’ils aient de bonnes notes. C’est en tout cas mon opinion.

Bien sûr quand j’accompagne un ado en coaching, scolaire ou d’orientation et même classique, nous parlons notes, devoirs, méthodologie … mais nous abordons aussi d’autres sujets : ses centres d’intérêts, ses activités extra-scolaires, ce qu’il aime et n’aime pas, ses forces aussi.

C’est un peu comme si nous nous définissions au travers de notre job et des KPIs que nous suivons dans notre job : “tu fais quoi dans la vie ?”, “et ton entretien annuel ça a donné quoi ? tu as eu une augmentation cette année ?”, “tu as obtenu quoi comme taux de conversion (remplacez par les mesures que vous suivez dans votre domaine) ?”, “c’est quoi ton CA du mois" ?”, “tu as un entretien avec des prospects / ton boss ?” … bref transposez les questions que l’on pose aux enfants à vous … cela vous donnera une idée de ce que eux peuvent ressentir. Rajoutez à cela une dose d’adolescence (avec les hormones, les changements physiologiques et psychologiques) et cela donne le combo gagnant pour des discussions houleuses en famille.

Un âge de doutes et de sensibilité accrue

L’adolescence, cette période magique (et parfois cauchemardesque) où tout semble amplifié (d’ailleurs je suis en train d’écrire un e-book sur l’adolescence pour mieux comprendre l’adolescence et surtout son ado - j’espère l’avoir terminé en mai 2025 … je me suis fixé un objectif SMART sur ce projet avec un plen d’actions et un rétroplanning spécifique. Ce guide sera utile pour tous les parents d’ado pour les aider à mieux les décrypter. Si cela vous intéresse laissez-moi un message et je vous préviendrai quand il sera fini).

Les émotions sont exacerbées, l’estime de soi vacille, et la validation extérieure (surtout celles des copains d’ailleurs) devient essentielle.

Votre ado est en train de se construire et cherche constamment des repères.

Dans ce contexte, les remarques sur les notes peuvent être interprétées comme un jugement de valeur : « Si je n’ai pas de bonnes notes, je ne suis pas assez bien pour eux. »

Derrière cette phrase, il y a souvent une peur profonde d’être rejeté.e.

Quand un ado dit « Vous ne m’aimez pas », il veut dire : « J’ai peur de ne pas être à la hauteur ».

Cette peur est amplifiée par un cerveau en pleine transformation, qui favorise les réactions émotionnelles intenses.

Les étiquettes et les malentendus

En tant que parents, il est facile de glisser des phrases comme : “Tu es intelligent, mais tu ne fais pas d’efforts.”, “Tu pourrais travailler plus, ça ne ferait pas de mal”

Malheureusement, ces mots peuvent être reçus comme des étiquettes.

Un ado pourrait entendre : « Tu n’es pas assez bon » ou finir par se dire « Je ne vaux rien ».

Pourtant, ce n’est pas ce que vous avez voulu dire. Entre ce qui est dans notre tête et ce qui arrive dans la tête de notre ado, il peut y avoir une nette différence. Ce n’est ni cela qu’on a dit ni même ce qu’on a voulu dire, mais c’est comme ça qu’il l’a perçu. C’est tout l’enjeu d’une bonne communication : vérifier que le message est bien passé, car au milieu de notre ado et nous il y a tout un tas de filtres (les émotions, les croyances, la fatigue, …) qui brouillent le message.

Le fossé entre l’intention parentale et la perception adolescente est souvent à l’origine du malentendu. D’ailleurs beaucoup de disputes / problèmes / clash ont cette même origine.

Pour une communication plus fluide, jetez un oeil sur ces articles :

Comment mieux communiquer avec mon adolescent ?

La CNV c'est quoi ? Un outil au service de la parentalité

La pression scolaire comme facteur aggravant

À cela s’ajoute la pression externe : réussir à l’école est souvent présenté comme le seul chemin vers une vie réussie.

Mais qu’est-ce qu’une vie réussie au final ? c’est quoi “un bon job” ? Nous ne mettons pas tous la même chose derrière ces mêmes mots, et oui vos enfants n’ont peut-être pas la même vision des choses que vous ni les mêmes attentes.

Les adolescents sentent cette pression académique quotidiennement.

Quand ils déçoivent leurs parents (ou pensent le faire) notamment avec des notes insuffisantes ou mauvaises, cela peut leur donner un sentiment écrasant d’échec.

Parfois même les parents interdisent certaines relations amicales à cause des notes, les copains avec des mauvaises notes ne sont pas les bienvenus, ce qui est jugé abusif et injuste par l’ado. Autant vous dire que les relations peuvent être tendues dans cette situation.

Pourquoi les parents insistent autant sur les résultats scolaires

Je ne vais pas être hypocrite en disant que les résultats scolaires ne sont pas importants. Bien sûr qu’ils sont importants, mais ce n’est pas la seule chose à être importante. En ces temps de Parcoursup la notion même de notes et de rang dans la classe est importante, cela leur permet d’avoir accès à des études qu’ils choisissent, au lieu de les subir. De leurs notes dépend l’avenir de nos enfants, ou en tous cas une partie de leur avenir. Car les notes ne font pas tout et ne sont qu’une mesure de ce qu’ils savent ou pas.

Dans tous les cas, les résultats scolaires ne définissent ni la personne ni la valeur de la personne. Et les relations parents-enfants ne devraient pas se cantonner à cet angle-là. Derrière les résultats scolaires se cachent des choses plus profondes pour le parent, des non-dits et des choses qui sont plus ou moins conscientes.

Les peurs parentales : le futur de votre enfant

Soyons honnêtes : si nous insistons sur les notes (oui je me mets dans le panier, en tant que maman mais aussi en tant que coach), ce n’est pas par méchanceté ou par plaisir.

Nous voulons ce qu’il y a de mieux pour notre enfant.

Derrière cette insistance, il y a souvent des peurs : peur qu’il n’échoue dans la vie, peur qu’il ne trouve pas sa place, peur qu’il ne réalise pas son potentiel…

Ces peurs, bien que légitimes, peuvent parfois être mal interprétées.

Un amour mal exprimé

En insistant sur les résultats, certains parents pensent montrer à leurs enfants qu’ils croient en eux. On pense que plus on est sur leur dos pour les devoirs plus on leur montre notre amour, sauf que nos ados de leur côté ne voit pas les choses de la même manière.

Cette pression peut donner l’impression contraire : “Si je ne réponds pas à leurs attentes, je vais les décevoir.”

Il est crucial de déconnecter nos attentes de nos preuves d’amour, parce qu’en fait on les aime sans condition, qu’ils aient de bonnes notes ou des notes moins bonnes.

Une société axée sur la performance

Notre société valorise les résultats : diplômes, classements, compétitions.

En tant que parents, nous subissons nous aussi cette pression.

Mais il est important de se rappeler que la valeur d’un enfant ne se mesure pas à travers ses notes, et notre valeur de parent ne se mesure pas non plus à travers les notes ou les études de nos enfants. Car il y a cette partie aussi : les attentes de la société envers les parents et la sorte de check-list du bon parent. Et a priori il faudrait que nos enfants soient bons à l’école et rentre dans un moule pour que notre Diplôme du Bon Parent soit validé.

Je dis bien “a priori” car nous sommes bien d’accord que cela n’a rien à voir, et encore moins quand on a un enfant qui sort du cadre et qui ne rentre pas dans le moule.

Ce que ressentent vraiment vos ados (et ce qu’ils n’osent pas vous dire)

Je me fais la voix des ados mais ne suis plus une ado depuis de nombreuses années. J’essaie juste de retranscrire ce qui peut se passer dans leurs têtes en utilisant mon expérience avec les ados. Et bien sûr, ce ne sont que mes mots, les mots d’une adulte essayant de comprendre les ados, donc je peux me tromper ou plus exactement votre ado a le droit de ne pas être d’accord avec ce que j’écris (d’ailleurs je serai très heureuse de me tromper dans certains cas et surtout d’avoir le retour de vos ados pour corriger ou compléter cette partie).

La peur de ne pas être à la hauteur

Quand un ado échoue ou obtient une mauvaise note, il ne se dit pas simplement : “J’ai raté cet exercice.” Il se dit souvent : “Je suis nul.le”.

Cette généralisation est typique de l’adolescence, où le cerveau peine encore à relativiser. Le problème c’est que si c’est récurrent cela risque d’altérer leur estime d’eux-mêmes.

Une frustration face à l’incompréhension

Certains adolescents peuvent éprouver un sentiment de frustration intense : “Ils ne comprennent pas à quel point c’est difficile pour moi.”

Cela peut concerner une matière qu’ils n’apprécient pas, un professeur avec qui le courant ne passe pas, ou simplement un manque de motivation (et aussi une difficulté dans les apprentissages non identifiée en primaire, un TDAH, un trouble DYS …).

Ce n’est pas qu’il ne veut pas, c’est qu’il ne peut pas … alors on laisse tomber la maxime “quand on veut on peut” car dans certains cas elle énerve plus qu’elle ne motive.

Une volonté de bien faire… paralysée par la pression

“Et si je travaille dur, mais que cela ne suffit pas ?”

Cette peur de l’échec peut amener certains ados à se bloquer complètement.

Plutôt que de réessayer, ils préfèrent abandonner pour éviter la déception. C’est une manière de se protéger (totalement inconsciente), une sorte de stratégie de l’évitement. Il est plus facile de se dire qu’on a une mauvaise note parce qu’on n’a pas travaillé plutôt que se dire qu’on a une mauvaise note parce qu’on est “nul.le”.

Comment rétablir le dialogue et apaiser les tensions

Maintenant que le tableau est dressé et qu’on voit les obstacles et la série d’incompréhensions et toutes leurs conséquences … que fait-on ?

Parce que oui il y a des choses à faire pour rassurer nos ados et nous aussi par la même occasion.

1. Pratiquez l’écoute active

Prenez un moment pour écouter votre ado sans interruption ni jugement.

Reformulez ses propos pour montrer que vous comprenez : “Tu as l’impression que je suis trop dur avec toi, c’est bien ça ?”

Allez lire l’article : 5 techniques d'écoute active à mettre en pratique dès aujourd'hui pour en savoir plus.

2. Rassurez-le sur votre amour inconditionnel

Répétez-lui que vos attentes ne remettent pas en question votre amour.

Par exemple : “Je veux que tu réussisses, mais sache que je t’aime quoi qu’il arrive.”

Ma pédiatre m’avait donné une phrase à leur dire pour rassurer mes enfants : “je suis en colère mais je ne t’aime pas moins”. Cette phrase m’avait beaucoup aidée à l’époque avec mes enfants et régulièrement je dis à mes ados que je les aime même quand je suis hyper super méga en colère.

Ces mots, simples mais puissants, peuvent faire toute la différence. Ils ont vraiment besoin d’être rassurés sur notre amour. On parle beaucoup de la théorie de l’attachement pour les tout-petits mais je suis certaine qu’elle pourrait être déclinée à l’adolescence (elle l’est d’ailleurs très certainement mais je ne me suis pas encore penchée sur ce sujet précis).

3. Instaurez des moments d’échange réguliers

Organisez des moments où vous parlez de tout sauf des notes. Cela peut être une activité partagée (cuisiner, marcher, jouer à un jeu), pour renforcer votre lien hors du contexte scolaire.

L’idée est de créer du lien et de retrouver du plaisir à être ensemble, parce que parfois dans notre vie de parent chargée ce plaisir disparaît un peu, on l’oublie au profit des responsabilités, des tâches que l’on doit faire, de cette to-do qui semble nous contraindre. Peut-être que dans notre to-do on pourrait se programmer ce moment d’échange, et pas seulement les courses, les RDV médicaux, les papiers à signer, …

4. Faites preuve d’empathie

Mettez-vous à sa place. Pensez à votre propre adolescence. Comment auriez-vous réagi si vos parents avaient dit / fait la même chose, qu’auriez-vous ressenti ? qu’auriez eu envie de leur dire ? (et nous sommes entre nous, alors autorisez-vous à répondre à ces questions en toute franchise).

Posez-lui des questions ouvertes : “Comment te sens-tu par rapport à l’école en ce moment ?”

Parfois, ce simple geste peut ouvrir la porte à une discussion plus profonde.

Réconcilier performance et épanouissement scolaire

Relativisez l’importance des notes

Les notes sont une évaluation temporaire, pas une définition permanente de votre enfant.

Expliquez-lui que l’important est d’apprendre et de progresser. Et que l’erreur est source de progrès et d’apprentissages.

Encouragez ses talents

Identifiez ses points forts en dehors de l’école : sport, art, créativité, sociabilité.

Valorisez ces compétences autant que ses résultats académiques.

Travaillez ensemble sur des objectifs réalistes

Plutôt que d’imposer des attentes inatteignables, discutez avec lui de ce qu’il pense pouvoir accomplir, et aidez-le à trouver des stratégies pour y parvenir. Il ne pourra pas passer d’une moyenne de 7/20 à un 15/20 en une fois. Faites une première étape plus réaliste. L’idée est que votre ado atteigne son objectif et de le motiver. Une fois que l’objectif est atteint, on en fixe un autre.

L’objectif n’est pas forcément une note. Cela peut-être autre chose, à définir avec lui.

Faites un parallèle avec votre job : vous avez des objectifs quali et quanti à atteindre. Si les objectifs sont trop ambitieux, vous n’allez pas chercher à les atteindre. Pourquoi mettre votre énergie dans quelque chose qui vous semble démesuré … Votre ado fonctionne de la même manière et c’est pourquoi on peut utiliser les objectifs SMART aussi avec les ados (même si on adapte cette méthode aux problématiques de l’adolescence).

Et bien sûr : si le conflit persiste, il peut être utile de consulter un professionnel (psychologue, coach, un conseiller familial…).

Un tiers neutre peut souvent aider à rétablir une communication saine et éviter l’escalade des tensions.

Les notes ne définissent pas votre enfant, tout comme elles ne définissent pas votre relation.

En tant que parent, votre plus grand cadeau est de lui montrer que vous l’aimez pour ce qu’il est, et non pour ce qu’il accomplit.

Prenez le temps de lui rappeler que, peu importe les difficultés scolaires, vous êtes là pour lui.

Alors, ce bulletin imparfait… Et si c’était une opportunité de mieux comprendre votre ado, et de renforcer votre lien avec lui ?

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